《L'Empire de Cendres》CHAPITRE 6 : SUZANNE
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« Tu sais où on est ? demanda une voix d’homme.
— C’est toi qui as choisi, non ? »
Suzanne avait mal à la gorge. Articuler était douloureux. Penser aussi. Un monotone bruit de vague sortant des enceintes intégrées au matelas lui martelait les tympans.
Son ventre se tordit. Elle mourrait de faim, mais à l’idée d’avaler quelque chose, son estomac se crispa.
Sur la table de chevet, le verre d’eau était presque vide. Lorsqu’elle le porta à sa bouche, elle eut la désagréable surprise d’y trouver du whisky.
« Alpha du Centaure, non ? continua l’homme.
— Bien sûr que c’est Alpha du Centaure. Ces étoiles sont notre destination de rêve, répondit Suzanne en se massant les tempes du bout des doigts. Tu veux que j’imprime des sushis ? »
Dans un ultime effort, elle parvint à se redresser. Elle eut la sensation que son cerveau se retournait dans sa boite crânienne et dut s’appuyer contre sa table de chevet. Le verre roula le long du matelas pour se fracasser sur le sol.
Elle retint un juron. Son mal de tête s’accentua. Ce dernier n’était pourtant rien comparé aux courbatures qui lui paralysaient les cuisses et le bassin. La jeune femme voyait flou, mais elle put discerner Thomas en face d’elle.
« Non, ça ira. »
Il avait le visage collé à la vitre de l’appartement. Dans le reflet se dessinaient ses lunettes aux montures d’acier, son nez aquilin et les quelques boutons d’acné qui persistaient à ponctuer ses joues malgré une adolescence presque révolue. Il était nu. Tout comme elle sous les draps blancs.
Face à lui se profilaient les trois soleils d’Alpha du Centaure et son unique exoplanète. Proxima Centauri B, ville-planète fictive tentaculaire et sans limites. À l’horizon, au-delà de la jungle de béton se dessinaient les aurores boréales créées par les vents solaires qui frappaient le bouclier atmosphérique surplombant les néons de pictogrammes japonais.
Thomas et Suzanne choisissaient toujours cette illusion d’un futur inatteignable quand ils avaient un événement à fêter. Ils rêvaient d’aller explorer les étoiles et y bâtir des mégalopoles dignes de ce que l’humanité pouvait faire de mieux.
À en croire la lettre en papier de correspondance sur laquelle Suzanne venait de poser le pied, ils avaient bel et bien été reçus tous les deux à Harvard. Il sera bientôt temps de quitter enfin l’Europe pour rejoindre la bruine de la Nouvelle-Angleterre.
Sans y prêter plus attention, elle tituba maladroitement jusqu’à la salle de bain en quête d’aspirine avant de reprendre la conversation :
« Tu sais ce que j’aimerai visiter avant ? Car soyons honnête ce n’est pas près d’arriver des colonies sur Alpha Centauri…
— Quoi donc ? fit Thomas, visiblement très déçu.
— Tokyo. Et pas avec une holochambre ! »
Il y eut un silence, finalement brisé par son interlocuteur.
« Tu es au fait que si tu le souhaites on peut y aller dès ce soir ? Je ne sais même pas pourquoi on paie ce programme pourri. »
Elle l’entendit tapoter l’un des écrans tandis qu’elle se servait un verre d’eau. Dans ces hôtels bas de gamme, il n’y avait pas de droïde pour le faire à votre place.
« Que veux-tu dire ? » demanda-t-elle entre deux gorgées.
Le jeune garçon se retourna et la rejoint dans la salle de bain. Lui caressant les hanches, il se dirigea ensuite vers la douche italienne.
« La Lionheardt a des bureaux à Shibuya. La section robotique. Il est grand temps que j’y fasse un tour. »
Suzanne était confuse. Elle crut d’abord avoir mal entendu.
Pourquoi lui parler de bureaux à Shibuya ? pensa-t-elle. Lui qui n’avait encore jamais quitté le vieux continent.
Suzanne referma le robinet.
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Venait-il de dire « la Lionheardt » ? Quelle Lionheardt ? Son père était riche, mais qu’un simple avocat londonien. Il n’avait jamais possédé de société multinationale.
Dans le reflet du miroir, elle aperçut le dos de son petit ami. Lorsqu’il se retourna, ses boutons d’acné avaient disparu. Il n’avait plus de lunettes et ses traits apparurent comme plus durs. C’était toujours Thomas. Mais il venait de prendre quinze ans.
« Tom ? dit-elle, la voix tremblante.
— Oui ?
— On vient d’être accepté à Harvard. C’est quoi ces histoires de bureaux à Tokyo ? »
Le visage de son amant avait désormais retrouvé son aspect adolescent. Il était de nouveau le lycéen prodige.
Tom la fixa, le regard vide. Il balbutia :
« Je crois que je ne sais pas où je suis. »
Le corps de Thomas, tel un pantin désarticulé, tomba au sol dans un bruit mat. Les écrans longeant la chambre s’éteignirent ne laissant pour lumière que la minuscule lampe de chevet et le néon violet de la salle de bain.
Suzanne bondit en direction de son petit-ami, mais il se volatilisa entre ses doigts.
À sa place se tenait une femme à la peau blanche et à la chevelure brune. Elle était morte. Un trou béant remplaçait son estomac. On lui avait tiré dessus et le sang avait maintenant séché. Elle lui ressemblait comme deux gouttes d’eau. Suzanne eut un haut-le-cœur en se reconnaissant.
Alors que les lumières s’éteignirent, une main l’agrippa pour la traîner en arrière. C’était une poigne de métal, froide comme de la glace. Suzanne se débattit avant de se redresser.
Désormais, elle se retrouva assise à l’arrière d’un bateau. Une petite embarcation qui naviguait sur un lac brumeux. Au loin se dessinaient les tours immenses d’une ville. Elles étaient noires et déchirées.
Un homme guidait la barque. Il avait un large chapeau de feutre, une écharpe tachée qui lui recouvrait la bouche et des lunettes teintées. À sa ceinture pendait une épée.
Était-ce le passeur ? Était-ce là le Styx et les Enfers ?
L’individu n’était pas seul. Il avait un compagnon. Un adolescent aux cheveux roux qui, lui aussi, lui tournait le dos. Il veillait sur quelque chose. Les couvertures le dissimulaient.
Quelqu’un peut-être ? s’imagina Suzanne.
Une onde passa sur l’eau. L’homme au chapeau ne l’avait pas remarqué. L’enfant non plus. Cette onde provenait des profondeurs du lac et elle disait :
« Où es-tu ? »
Cela ressemblait à Thomas.
« Tom ? demanda Suzanne, la voix toujours tremblante.
— Je te vois. »
Un vent venu de la cité souffla. Il était chaud et moite. L’homme à la proue mit une main sur son chapeau. L’enfant enveloppa sa cargaison, mais les couvertures se soulevèrent. Là gisait une femme. Une femme aux cheveux bruns et à la peau blanche.
« Qu’est-ce que c’est que… s’étouffa Suzanne lorsqu’elle se reconnut une fois encore, allongée quelques mètres plus loin.
— Je pense que nous avons fait d’immenses progrès. »
Elle sursauta. L’homme au costume jaune était assis à ses côtés et esquissa un rictus. Passé l’étonnement, elle assaillit ce visiteur de questions auxquelles il mit un terme d’un mouvement de la main. Cela ne fit que l’énerver davantage.
« Vous ! Vous ! C’est vous qui me suivez depuis… »
Elle eut une migraine. L’individu continuait de sourire.
« Où suis-je ? Où est Tom ? Il m’a conseillé de me méfier de vous ! » reprit-elle.
Elle n’allait pas abandonner de sitôt et ça, l’homme au costume jaune le comprit finalement.
« Tom ? Tom n’est pas de mon ressort malheureusement. Et je doute qu’il vous ait dit de vous méfier de moi.
— Alors… commença Suzanne, confuse. Vous ne l’entendez pas ? Vous ne le voyez pas vous aussi.
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— Je pense que vous devriez vous concentrer sur votre personne, répondit son interlocuteur.
— Moi ? »
L’inconnu désigna du menton les deux hommes et son corps inanimé. Suzanne jeta un bref regard dans leur direction. Elle avait peur de quitter des yeux cet homme étrange. Il risquait une nouvelle fois de s’éclipser comme dans les Alpes.
Lorsqu’elle revint vers lui. Il était toujours là, pointant cette fois-ci de son parapluie jaune le jeune rouquin qui veillait sur sa propre dépouille.
« Ces gens pourront vous aider. Moi, ma tâche doit se poursuivre, dit le Panafricain.
— Quelle tâche ? Qui êtes-vous ? reprit Suzanne avant de saisir l’homme par le col de sa chemise. On est où bon sang ?
— Votre esprit est entier et vous êtes en vie. C’est tout ce dont je devais m’assurer. Il y a, hélas, quelques cognitions incomplètes, mais tout rentrera dans l’ordre bien assez tôt, lui expliqua-t-il mystérieusement. Je dois y aller. J’ai encore du travail, voyez-vous.
— Il est hors de question que… »
Mais la personne au costume jaune s’était volatilisée entre ses doigts. Il ne restait de lui qu’une odeur de chocolat chaud et de cannelle.
« Ne me… » s’étouffa-t-elle avant de se réveiller d’un coup dans des couvertures sales.
Le garçon aux cheveux roux s’était tourné vers son camarade à l’avant du bateau et ne l’avait pas aperçu ouvrir les yeux. Vive d’une énergie retrouvée, Suzanne sentit sa main saisir alors l’une des rames.
Il n’est pas question que je poursuive cette folie !
Puis tout s’enchaîna très vite.
Lorsque l’homme au chapeau s’éveilla enfin, ses grimaces témoignèrent d’un mal de tête sans précédent. Du sang avait séché à la commissure de ses lèvres. Son coup avait été plus fort que prévu.
« Je suis vraiment désolé, Monsieur, lui dit le rouquin qui s’était réveillé quelques secondes plus tôt.
— Octave ? Tu m’as broyé les synapses ! » balbutia l’individu au couvre-chef avant de cracher dans l’eau.
Leur langue était un mélange d’allemand et de français. L’enfant s’appelait donc Octave. Lui aussi, elle l’avait attaché tant bien que mal avec les quelques cordes que contenait le sac de l’inconnu à la proue. De celui-ci elle avait bien entendu volé l’épée.
« Je ne suis pas en meilleure posture, comme vous pouvez aisément le constater », lui fit remarquer le rouquin tandis que Suzanne glissait la lame sur son cou.
Crachant de nouveau, l’homme au chapeau s’adressa enfin à elle :
« Ravi de vous voir enfin debout. Que signifie donc cette mascarade ?
— Où sommes-nous ? demanda sèchement Suzanne qui sentait déjà ses forces se dérober.
— Sur un lac », répondit son interlocuteur qui pensait ainsi jouer au plus malin.
Il se ravisa lorsqu’elle planta la pointe de son arme sur le muscle de son épaule gauche.
« Sur le lac d’Argent ! Je ne sais pas comment on l’appelait à votre époque. Là-bas, en tout cas, c’est la cité de Renaissance. Notre destination. »
Lac d’Argent ? Renaissance ? Mon époque ?
Suzanne examina l’épée. C’était un bel ouvrage authentique digne d’un musée.
Que signifie tout cela ?
L’agglomération derrière elle, avec ses hautes tours noires, était Lucerne. Elle le savait, car il y avait travaillé. La plus élevée était celle d’un laboratoire pharmaceutique possédé par Thomas. La seconde, avec son dôme rond était celle d’une banque suisse dont le nom lui échappait.
« Que voulez-vous dire ? Mon époque ?
— Elle l’ignore donc… » lâcha le rouquin.
Tous deux s’échangèrent des regards. Une gêne s’installa dans l’embarcation.
« Je vous suggère de poser cette épée quelques instants », lui conseilla l’homme au chapeau.
Suzanne s’exécuta. L’arme était lourde. Il faisait si chaud malgré la fraîcheur de l’eau. Elle ferma les yeux plus longtemps que prévu. Un bref moment, son esprit avait manqué de s’éclipser. Déjà, la panique l’envahissait. Une main glacée remontait à son cœur depuis son estomac.
Suzanne possédait cette terrible intuition que les prochaines paroles de ses interlocuteurs allaient changer sa vie à jamais.
« Mon nom est Erol Feuerhammer et nous sommes en l’an 3033. »
Suzanne se figea. Les griffes de givres resserrèrent leur étreinte et elle perdit conscience.
Un filet d’eau fraîche la tira subitement des abysses. Erol et son acolyte dont elle avait déjà oublié la dénomination se tenaient au-dessus d’elle. Pendant le court laps de temps où elle avait perdu connaissance, ils étaient arrivés à se détacher et l’épée avait été rendue à sa propriétaire.
« Pouvez-vous vous redresser sans nous assommer à coup de rame ? » demanda le dénommé Erol.
Le jeune garçon à la cicatrice lui tendit sa main et elle parvint à s’asseoir contre le rebord de la barque. Elle avait envie de vomir, mais se retint. Il lui proposa ensuite sa gourde.
« Avez-vous soif ? Faim peut-être ?
— Nous sommes en 3033… » murmura Suzanne qui n’avait pas entendu la question.
Les paroles de l’homme au chapeau résonnèrent dans son esprit.
« Comment ? »
Son interlocuteur la dévisagea. Avant de répondre, il ordonna à son acolyte de prendre les rames de l’embarcation.
« Vous étiez dans une sorte de cercueil en verre. Un caisson d’hibernation, très certainement. Ça vous dit quelque chose ? »
Suzanne fouilla dans sa mémoire. Ce fut un exercice difficile, comme visionner un film à l’envers où des morceaux manquaient. Elle avait connaissance de ces caissons.
Ces chambres de plastique blanc, mais la cryogénie ? Non. Cela n’avait jamais été au point. Pas pour de si grandes périodes. Pas pour des êtres humains. Impossible.
« Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ? » demanda Octave.
Suzanne fronça des sourcils. Elle se rappelait de peu. Récemment ses songes avaient été si confus. Lesquels pouvaient relater les ultimes événements en question, mais de ça elle n’en était pas sûre.
Suzanne repensa alors son rêve dans le bureau de Tom et dans la salle de bain de l’hôtel. Instinctivement, elle porta la main à son ventre. Il n’y avait rien. Pas de trace de balles. Pas de sang.
« Savez-vous en quelle année j’aurai pu être... mise en hibernation ? » demanda-t-elle enfin quand elle put articuler ses pensées.
Suzanne en avait une petite idée, mais cela était insensé. Mais Erol fit non de la tête.
L’image de l’homme au costume jaune lui vint ensuite à l’esprit. Lui aussi hantait son présent et souvenir pour une raison qui lui échappait encore.
« Avez-vous… réveillé… ou bien croiser un individu avec un uniforme… jaune ? Il a la peau noire.
— Non. Vous étiez seule dans ces souterrains.
— Souterrains ? Quels souterrains ?
— On vous a trouvé dans un complexe secret. Creusé dans les profondeurs de la montagne. Sous le Dammastock. »
C’était un bon début. Je travaillais dans un laboratoire dissimulé sous la terre. Ma cryogénie forcée avait donc un rapport avec la Novan-Kamiru. Ou bien plutôt… Mon doctorat. La biologie et la cybernétique. La Lionheardt Corporation.
Elle se remémora sa discussion à GrandLyon avec Tom.
Oui. Je travaillais sur ces tissus organiques dans un complexe de recherche sous le Dammastock.
Remonter ses souvenirs lui broya les neurones. Un mal de crâne terrible se déclara et elle dut fermer les yeux en se massant les tempes. C’était son réflexe.
Elle avait dû susciter de la pitié de la part de ses ravisseurs, car la voix d’Octave était désormais plus douce. Erol, lui, tenait toujours fermement son épée tout en se frottant la nuque.
« Écoutez. Nous n’avons rien contre vous, » reprit Octave avec un sourire.
Erol, en retrait, la regardait maintenant droit dans les yeux par-dessus ses lunettes rondes.
« Octave et moi-même vous avons sorti de là-dessous. Nous vous emmenons à Renaissance, par-delà le lac, fit-il en ramant de nouveau. C’est une ville qui a quelque peu changé depuis la dernière fois que vous avez dû la fouler, mais là-bas se trouve un… un ami à moi. Il pourra vous aider.
— M’aider à quoi ? répondit Suzanne en laissant échapper une larme qui était la première depuis une éternité. Tous ceux que je connaissais doivent être morts. Tom aussi.
— Si vous êtes en vie. Pourquoi pas ce Tom ? » ajouta Octave plein d’espoir.
Il marque un point, pensa Suzanne.
L’espoir était cependant très mince.
« C’est vrai que si on vous a ressuscité, pourquoi pas lui ou quelqu’un d’autre ? D’ailleurs qui est ce Tom ? L’homme à la peau noire ? » demanda Erol.
Suzanne leva les yeux au ciel. Quelques flocons jaunes vinrent se poser sur son front. Ils n’étaient curieusement pas froids.
« Non. Non. C’était… »
Elle ne savait que répondre à cette question. Thomas et elle avaient été amants puis collègues. La dernière fois qu’ils s’étaient côtoyés devait remonter au temps où elle travaillait pour lui. Leur relation antérieure était compliquée. Mais s’il y avait une chose qu’elle désirait le plus au monde actuellement, c’était le retrouver.
« C’était un ami. Du lycée, puis de Harvard. Aux États-Unis », répondit-elle enfin voyant ses deux interlocuteurs s’impatienter.
Elle se demanda si l’un d’eux devait connaître Harvard. Ou les États-Unis.
« Vous ne vous rappelez pas là où il était avant le… comment dire… hésita Erol.
— Avant la fin du monde et que mes deux sauveurs mille ans plus tard ressemblent à des… sans-abris ? »
Erol et Octave restèrent bouche bée. Elle avait parlé si vite. Ils n’avaient visiblement rien compris de ce qu’elle voulait dire. Avec un peu de recul, cela était préférable. Elle reprit donc plus doucement :
« Qu’est-ce qui s’est passé ? Et quand ? »
Suzanne sentit de nouveau une main glacée se faufilait à travers ses entrailles. Ces interrogations venaient de lui traverser l’esprit. Ce n’est pas comme ça qu’elle avait imaginé le futur.
Erol avait dû deviner ce nouvel excès de panique et il lui posa sa main gantée sur le bras.
« Il serait plus sage de garder tout ça une fois à Renaissance. Marian… l’ami en question. C’est un universitaire. Un technomancien et Fondateur.
— Vous avez mentionné Harvard ? demanda Octave. À Renaissance il y a à peu près la même chose.
— Marian saura vous expliquer tout ça mieux que nous. Je me chargerai de faire les présentations et nous vous laisserons tranquille.
— D’ailleurs quel est votre nom ? s’enquit le jeune garçon.
— Il est vrai que vous vous êtes introduite de façon plutôt sommaire et violente », ajouta Erol.
Suzanne esquissa un sourire. Ils connaissaient Harvard. Erol et Octave étaient de curieux personnages. Pour peu qu’elle ait pu les tuer, ils le prenaient bien.
« Suzanne. Je me souviens de Suzanne.
— Et bien, Suzanne. Je ne peux que vous demander de vous reposer, car nous arriverons bientôt à Renaissance ! »
Les deux tours jumelles surplombaient Lucerne. Le temps les avait réduits au rang de squelettes métalliques, mais celle appartenant à la Lionheardt Corporation semblait toujours occupée.
Le long du lac s’érigeaient de véritables remparts de pierre et d’acier. Des tours de garde ponctuaient la muraille avec, sur leur couverture de tôle, un étendard étrange arborant un arbre creux. Erol lui présenta comme le symbole de ce qu’il appela la Fondation. Mais Suzanne ignorait ce que cela pouvait signifier.
Selon son guide de fortune, Renaissance, de son récent nom, étaient reconnaissables entre toutes les villes de cette époque nouvelle à l’immense dôme doré trônant au sommet de la plus haute des collines. Là, Suzanne identifia l’ancien stade de Football.
Ce qu’elle avait maintenant devant les yeux était une preuve irréfutable. Le monde. Son monde avait disparu, englouti et recraché dans un futur qu’elle n’aurait jamais imaginé. Mais on était loin du cauchemar attendu.
Le dôme surplombait ce que les habitants appelaient Belleville, le quartier aisé de la cité. Il était séparé des autres par une seconde enceinte plus rustique de bois et de barbelés.
Plus on s’éloignait du centre de la ville, moins les immeubles étaient hauts et plus ils étaient délabrés. Peu à peu, des éoliennes dansaient au gré du vent, alimentant une électricité par un réseau bricolé avec les moyens du bord.
Selon Erol, la véritable beauté des faubourgs se dévoilait à la tombée de la nuit quand les enseignes de néons s’illuminaient et que les hologrammes publicitaires haranguaient la foule. Cette description surprit Suzanne, elle qui s’attendait à s’aventurer dans une mégalopole moyenâgeuse.
Avec sa centaine de milliers d’habitants originaires de toutes les provinces avoisinantes de la Fondation, la cité de Renaissance resplendissait de vie. Depuis le lac, Suzanne put être témoin du fourmillement des résidents qui allaient et venaient au fil des sentiers commerçants qui remontaient les collines.
Puis, doucement, Erol les guida vers les docks. Longeant un canal aménagé et serpentant au pied de la colline du dôme, c’était un enchevêtrement anarchique de hangars, pontons et autres usines. C’était aussi le faubourg le plus malfamé. Son nom, la Pêcherie, provenait de l’infâme odeur de poisson rance qui se dégageait des insalubres ruelles.
Mais l’immonde spectacle qu’offrait la Pêcherie et le reste des environs du lac constituant ce qu’Erol appelait la Ville-Basse s’évanouissent peu à peu pour laisser place à une ambiance plus paisible.
La partie nord du canal était surplombée par une tour de pierres blanches dont le toit en pointe dominait de son ombre les masures des commerçants et des bourgeois ayant choisi la sérénité de cette vallée en autarcie. Là des enfants jouaient sur les quais de brique, de jeunes gens se promenaient au gré des étales et des vétérans, selon les dires d’Erol, racontaient leurs aventures à qui souhaitait les entendre. Elle y perçut pour la première fois depuis longtemps le chant des oiseaux.
« L’Arsenal. C’est mon quartier favori », souligna le rouquin en essuyant la sueur qui perlait de son front.
Quelques minutes plus tard, le canal devint de plus en plus sauvage et les trois voyageurs quittèrent les abords de la capitale.
« Je croyais que nous nous rendions à Renaissance, s’inquiéta Suzanne qui voyait les derniers faubourgs de la cité disparaître au profit d’une jungle sclérosée par une cendre jaune.
— Nous allons directement à l’Université. Les Fondateurs… »
Bientôt, on ne distingua plus que le sommet de la tour Lionheardt.
« Ceux qui ont fondé la ville, expliqua Octave.
— Oui exactement. Les Fondateurs l’ont délocalisé à quelques encablures. Le cadre est beaucoup plus… calme. Nous y serons sous peu », la rassura Erol qui avait de plus en plus de mal à articuler.
L’épuisement se lisait sur le visage de l’homme au chapeau. Mais le jeune garçon semblait le plus atteint. C’est à peine s’il pouvait continuer à ramer.
Suzanne, elle aussi, commençait à fatiguer de ce voyage malgré les milliers de questions qui lui picoraient l’esprit. Mais il fallait se mettre en quête de Tom. Il y avait peu de chance que ce Marian puisse la guider sur ce point, mais elle avait appris une chose auprès de lui : ce dernier était plein de surprises.
« Voilà ! C’est ce grotesque bâtiment de métal, derrière la digue de pierre, lança soudainement Erol en pointant un édifice rouge de rouille qui se démarquait de la futaie grise.
— Un destroyer de l’ENC ? Vous avez construit votre Université dans la carcasse d’un vaisseau de guerre européen », constata Suzanne.
Elle était très étonnée. Lors de la réhabilitation de l’ancienne forteresse volante de l’European Navy Corp en Université, les ingénieurs et les architectes du futur avaient vraisemblablement réalisé un véritable chef-d’œuvre.
« Certaines pièces d’artillerie marchaient encore quand j’étais enfant », lui sourit Erol avant de tomber à la renverse dans l’embarcation.
Ils venaient de heurter l’un des chalands qui mouillaient près des berges.
« Monsieur ? demanda Octave d’une voix faible. Est-ce normal que personne ne se trouve sur le ponton à cette heure avancée ? »
Erol se releva et invita la jeune femme à le rejoindre sur la terre ferme. Puis il tendit la main à son compagnon avant qu’une violente explosion ne secoue l’ancien bâtiment de guerre.
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